« is this seat taken ? » [ivy]

Ses doigts filent sur le prospectus qu’elle avait attrapé avant de rentrer dans le restaurant. Le serveur l’interpelle avec un grand sourire. Sourire auquel elle répond à peine. « Un mojito… virgin ! Virgin mojito... » à quoi bon, va-t-elle réellement commencer un régime spécial grossesse, alors qu’elle n’a aucune envie de le garder… ? Ça doit être un mauvais réflexe de femme enceinte ; pas d’alcool. Ça ne lui ressemble pas vraiment… Il ne pouvait pas arriver pire que ça. À croire que le sort s’acharnait sur elle depuis bien trop longtemps, et qu’il avait besoin de lui mettre le coup de grâce. Et le coup de grâce venait de tomber. tests de grossesse à l’appui…
C’est à peine si elle remarque que le serveur est repassé pour déposer son verre devant elle. Perdue dans ses pensées, elle commence à touiller machinalement le mélange sucré et se laisse bercer par le bruit des glaçons, les yeux toujours fixés sur le bout de papier coloré qu’elle lit sans vraiment lire. Mais une voix masculine la sort à nouveau de ses rêves, « Faire attendre une belle plante comme toi devrait être un crime. » elle sursaute et adresse un regard mauvais à celui qui ose la déranger et qui se permet, en plus de cela, de prendre place sur la chaise d’en face. « Moi, c'est Brooklyn. Enchanté. » son regard fixe bêtement la main tendue du jeune homme. Elle hésite. Une fois c’est déjà trop… Finalement, après plusieurs secondes, à contre-coeur et par politesse - qui ne lui ressemble pas vraiment, elle lève enfin sa main fébrile pour serrer celle de Brooklyn, et la lâcher tout aussi rapidement. « Ivy... » marmonne-t-elle avec dédain. Quel intérêt de se présenter... « Écoutes, je ne sais pas ce que tu es venu chercher en venant t’asseoir ici, mais tu perds ton temps... » qu'elle lui lâche d'une voix blasée avant de prendre une gorgée de son verre.

« Ça tombe bien, j'en avais justement bien trop sur les mains. » Elle rumine, Ivy. Elle se demande ce qu’elle a bien pu faire de mal pour avoir autant de malchance en si peu de temps. Déshéritée et balancée sur un bateau par son père sans aucune raison. Réduite à vivre comme toutes ces personnes, issues de la classe moyenne. le peu de sous qu’il lui reste lui permet de profiter de ses derniers instants en tant que riche, ici, au Pavillon...  Un moment de faiblesse de sa part lors d’une soirée et c’est elle qui en paye encore le prix aujourd’hui. Elle ne se souvient même pas de son nom, de son visage… Il n’a suffi que d’une seule nuit avec un seul homme pour se retrouver dans une sacrée merde… Coucher avec n’importe qui ? Ça ne lui ressemblait pas, et elle aurait mieux fait de s’en tenir à ses principes… « Tu as faim, peut être ? » c’est à peine si elle prend le temps de lui répondre. C’est à peine si elle daigne lui adresser un regard, elle fait mine de continuer de s’intéresser à ce qui se trouve au fond de son verre. Malgré tout, le jeune homme interpelle un serveur. Sa non-réponse ne semble pas le déranger plus que cela. Il insiste, elle risque de perdre patience. « Garçon ! Deux menus prestige, s'il vous plait. Et une bouteille de votre meilleur rouge. » le mot prestige fait son petit effet, puisqu’à peine celui-ci prononcé, Ivy relève soudainement la tête. Serait-il capable de se ruiner seulement pour amener une fille dans sa cabine ? S’agit-il d’une blague ? Aucune idée. Mais il faut bien admettre que sa curiosité a été piquée. « Oh woaw. Tu as gagné au loto ? » lui demande-t-elle avec sarcasme, faible sourire en coin. Ivy reste sur ses gardes, puisque la chance ne lui sourit pas vraiment ces derniers temps. Mais peu importe, ce qu’elle retient surtout, c’est qu’elle mangera gratuitement, et dans sa situation actuelle, Ivy ne peut pas se permettre de cracher sur une opportunité pareille. Alors elle pose enfin son verre sur la table, plonge son plus beau regard dans celui du jeune homme et lui sourit. « D’accord… Brooklyn. Tu as gagné. Ça sera toujours plus agréable que de manger seule. »

Brooklyn répond par la négative, alors qu’elle lui demande s’il a gagné au loto.  Il réagit comme un gamin qui viendrait de se faire prendre en flagrant délit… Ivy reste suspicieuse. Peu importe, s’il n’est pas vraiment riche, elle se contentera d’un bon repas et d’un jeune homme naïf pour s’amuser un peu. Ça lui permettra au moins d’oublier le problème qui s’accroche à son utérus. « Sinon, juste Brook c'est très bien. » elle hoche faiblement la tête, ne quittant plus son petite sourire de fille intéressée. « Brook... » répète-t-elle d’une douce voix. « Et toi, c'est quoi ton petit nom ? Non pas que « la jolie inconnue du restaurant » ce soit pas très bien, hein, mais bon ... C'est un peu long, quoi. » Elle sourit de plus belle. Il lui semble lui avoir déjà donné son nom mais peu importe. Elle sourit, parce que c’est son arme de séduction. Parce que si monsieur se permet de lui offrir un repas prestige, ce n’est pas non plus pour rien… « Ivy… juste Ivy. Je ne pense pas qu’on puisse faire plus court. » elle n’a aucune envie de lui donner son nom, et quel intérêt aurait-il à le connaître, de toute manière? N’importe qui s’intéressant un minimum aux mafias, parce qu’il est fan du parrain ou pour n’importe quelle autre raison, pourrait faire le rapprochement. Mais il y a toujours l’excuse du “c’est juste une coïncidence”, Luciano n’est pas nécessairement un nom se rapportant à la mafia. Mais Ivy ne préfère pas laisser un soupçon de doutes. Surtout maintenant qu’elle en a été jeté comme une merde… Ivy se racle discrètement la gorge, se replace sur sa chaise en croisant les jambes, dans l’autre sens, après avoir repris une gorgée de son verre, et reporte toute son attention sur lui, regard innocent. « Dis-moi, Brook… Comment se fait-il qu’un homme comme toi soit célibataire ? À moins que ce ne soit pas le cas... » ça pose des questions banales, un début de conversation ordinaire entre deux inconnus qui cherchent à se charmer. En vérité, Ivy cherche plutôt à noyer le poisson pour mieux obtenir les réponses qu’elle souhaite entendre. Dans le doute, elle se penche légèrement sur la table pour parler plus doucement, jouant sur la vue du décolleté. « … Et ça ne me dérange pas. » clin d’oeil pour accompagner ses mots. Oh si, ça la dérange...